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Lestat :
Dans les Bras de la Déesse

Je ne peux pas dire quand je me suis réveillé, quand j’ai repris connaissance.

Je me souviens avoir su que nous étions ensemble, elle et moi, depuis longtemps, que je me repaissais de son sang avec un abandon animal, que Enkil était détruit et qu’elle seule détenait le pouvoir originel, et qu’à cause d’elle, je voyais et comprenais des choses qui me faisaient pleurer comme un enfant.

Deux siècles auparavant, quand j’avais bu à sa source dans le mausolée, son sang m’avait alors apporté le silence, un silence mystérieux, magique. Maintenant chaque gorgée m’enivrait d’images, comblait mon cerveau autant que mon corps ; j’apprenais tout ce qui s’était passé, j’étais là tandis que les autres un à un se consumaient dans les flammes.

Et puis, il y avait les voix, les voix qui s’élevaient et s’éteignaient comme le murmure d’un chœur au fond d’une grotte.

Dans un éclair de lucidité, je crois que je parvins à relier toutes ces visions – le concert rock, la maison de la vallée de Carmel, son visage rayonnant. J’étais bien avec elle, dans ce lieu sombre et neigeux. Je l’avais réveillée. Ou plutôt, comme elle l’avait dit, je lui avais donné une raison de sortir de son immobilité. Une raison de se retourner pour contempler le trône où elle était restée figée des millénaires, d’ébaucher les premiers pas qui l’en éloigneraient.

Imagines-tu ce que cela signifie de lever sa main et de la voir bouger dans la lumière ? D’entendre soudain l’écho de sa propre voix dans cette salle de marbre ?

Sans doute avions-nous dansé dans la forêt recouverte de neige, ou était-ce que nous n’avions cessé de nous aimer ?

La terreur s’était appesantie sur le monde. Ceux qui n’auraient jamais dû naître à la vie – la descendance du démon – avaient été exterminés. Le massacre du concert avait été le point d’orgue de ce cauchemar.

Pourtant, je me blottissais contre elle, dans l’obscurité glacée empreinte des senteurs familières de l’hiver. Son sang m’appartenait de nouveau, il m’enchaînait à elle. Quand elle s’écarta, je souffris le martyre. Il fallait que je rassemble mes esprits, que je sache si Marius était encore vivant, si Louis et Gabrielle, si Armand avaient été épargnés. Je devais me ressaisir.

Mais les voix, la marée des voix qui montait ! Des mortels, au loin et tout près. Peu importait la distance. Seule comptait l’intensité. Mon ouïe était mille fois plus fine qu’autrefois lorsque je captais, la nuit, au hasard des rues, les paroles, les pensées, les prières des gens claquemurés dans leurs appartements.

Aussitôt qu’elle se mit à parler, le silence retomba.

— Gabrielle et Louis sont sains et saufs. Je te l’ai déjà dit. Crois-tu que j’aurais frappé ceux que tu aimes ? Maintenant regarde-moi et écoute bien. J’en ai épargné beaucoup plus qu’il n’est nécessaire. Et si je l’ai fait pour moi – pour pouvoir discerner mon reflet dans des yeux immortels, entendre mes enfants s’adresser à moi –, je l’ai aussi fait pour toi. J’ai sauvé tes amis parce que je ne voulais pas t’ôter ce réconfort. Mais désormais tu es avec moi, et il te faut accepter ta destinée. Ton courage doit égaler le mien.

Elles m’étaient intolérables, ces visions qu’elle m’imposait – cette horrible petite Bébé Jenks, comment était-elle morte, emportée dans un rêve désespéré, un défilé d’images qui vacillaient à l’intérieur de son cerveau moribond ? C’était atroce. Et Laurent, mon compagnon de jadis, calciné sur un trottoir ; et à l’autre bout du globe, Félix, que j’avais également connu au Théâtre des Vampires, fuyant, torche vivante, dans les ruelles de Naples jusqu’à la mer. Et les autres, tant d’autres, à travers le monde. Je les pleurais. Je pleurais sur cette souffrance absurde.

— Une vie si misérable, dis-je en larmes à propos de Bébé Jenks.

— C’est pourquoi je ne t’ai rien caché de cette malheureuse créature, c’est pourquoi je l’ai frappée. Les Enfants des Ténèbres n’existent plus. Désormais ils seront nos anges.

— Mais les autres ? Qu’est-il arrivé à Armand ?

Les voix reprenaient, ce bourdonnement qui menaçait de s’amplifier en une clameur assourdissante.

— Allons, mon prince, murmura-t-elle.

De nouveau, le silence. Elle se haussa sur la pointe des pieds et prit mon visage entre ses mains. Ses yeux noirs s’agrandirent, son masque blanc soudain mobile, presque tendre.

— Puisque tu y tiens, je te montrerai ceux qui ont survécu, ceux dont les noms entreront dans la légende en même temps que le nôtre.

La légende ?

Imperceptiblement, elle tourna la tête. Lorsqu’elle baissa ses paupières, la vie se retira d’elle. Un miracle de beauté. Une statue d’albâtre, parfaite, ses cils noirs délicatement recourbés. Je fixai sa gorge, l’artère mauve sous la chair soudain si tentante. Mon désir s’exacerba. La déesse m’appartenait ! Je la pris avec une violence qui aurait blessé une mortelle. Sa peau de glace paraissait impénétrable, mais tout à coup mes dents la transpercèrent et la source brûlante rugit en moi.

Les voix surgirent, mais elles se turent cette fois à mon commandement. Je ne sentis plus que le sourd jaillissement de son sang et le lent battement de son cœur près du mien.

L’obscurité. Une cave aux murs de brique. Un cercueil de chêne poli. Des serrures d’or. L’instant magique. Les serrures s’ouvrirent comme mues par une clé invisible, et, le couvercle se souleva, révélant le capitonnage de satin blanc. Une légère odeur de parfum oriental se dégagea. Je vis Armand étendu, séraphin aux longs cheveux auburn, la tête posée de côté sur un coussin, le regard lointain, comme étonné de se réveiller. Je le regardai sortir du cercueil avec des gestes lents, élégants ; des gestes qui ne sont qu’à nous, car nous sommes les seuls êtres à nous extirper quotidiennement d’un cercueil. Il referma le couvercle et traversa le sol pavé de briques humides jusqu’à un autre cercueil qu’il entrebâilla avec respect, comme si c’était un écrin. A l’intérieur dormait un autre jeune homme. Il semblait mort, mais en fait il rêvait. Il rêvait d’une forêt vierge où marchait une femme rousse, une femme dont je ne distinguais pas les traits. Puis d’une scène étrange, une scène que j’avais déjà entraperçue, mais où ? Deux femmes agenouillées devant ce que je supposais être un autel...

Je la sentis se raidir contre moi : une statue de la Vierge prête à m’écraser. Je défaillis. Je crus l’entendre prononcer un nom. Mais le sang m’emplit de nouveau, et mon corps vibra de plaisir. Plus de terre, plus de pesanteur.

La même cave de brique. Une ombre se projetait sur le corps du jeune homme. Quelqu’un d’autre était entré dans la pièce et avait posé sa main sur l’épaule d’Armand. Armand le connaissait. Mael était son nom. Viens.

Où les emmène-t-il donc ?

Le crépuscule violet dans la forêt de séquoias. Gabrielle avançait de son long pas insouciant et régulier, le dos droit, les yeux comme deux éclats de pierre bleue, le visage impassible, et à ses côtés, Louis s’efforçait de ne pas traîner. Il était si touchant, si incongru au milieu de cette nature sauvage, avec sa grâce, son allure policée. Débarrassé du costume de vampire de la nuit précédente, il n’en paraissait que plus distingué dans ses vieux vêtements défraîchis. Un peu plus abattu, peut-être. En tout cas, pas à la hauteur de sa solide compagne. En était-elle consciente ? Le protégerait-elle ? Mais tous deux ont peur, ils ont peur pour moi !

La trouée de ciel au-dessus d’eux brillait comme de la porcelaine. Lès arbres semblaient attirer la lumière le long de leurs troncs massifs et presque jusqu’à leurs racines. J’entendis un ruisseau cascader dans la pénombre. Puis je vis Gabrielle entrer dans l’eau, chaussée de ses bottes fauves. Où vont-ils ? Et qui était le troisième personnage que j’aperçus seulement quand Gabrielle se retourna vers lui ? Seigneur, quelle sagesse émanait de lui ! Ancien, puissant, il laissait pourtant les deux jeunes le précéder. A travers les arbres, je distinguais une clairière, une maison. Sur une haute véranda de pierre se tenait une femme rousse. La femme que j’avais vue dans cette espèce de jungle ? Un masque impénétrable comme celui de l’homme dans la forêt qui maintenant levait les yeux vers elle. Comme celui de ma Reine.

Qu’ils se rassemblent. Ça n’en sera que plus simple. Je soupirai, le sang irriguait mes veines. Mais qui étaient ces créatures au visage aussi hermétique que le sien ?

La vision s’effaça. Cette fois, les voix nous enveloppaient de leurs volutes. Elles criaient, murmuraient. Un instant, j’eus envie de les écouter, d’isoler dans ce chœur monstrueux le chant fugitif d’un mortel. Imaginez, des voix fusant de partout, des montagnes de l’Inde, des rues d’Alexandrie, de minuscules hameaux à travers le monde.

Mais une autre image m’assaillit.

Marius. Aidé de Pandora et de Santino, Marius émergeait d’une crevasse rougie de sang. Ils venaient d’atteindre le rebord déchiqueté d’un sous-sol. Des plaques de sang séché recouvraient la moitié du visage de Marius et s’emmêlaient dans sa longue chevelure blonde. Il paraissait furieux. Ses compagnons derrière lui, il monta en boitillant un escalier à vis aussi étroit qu’un conduit. Quand Pandora fit un geste pour le soutenir, il la repoussa brutalement.

Le vent. La morsure du froid. La maison de Marius ouverte aux éléments, comme éventrée par un tremblement de terre. Des débris de verre jonchaient le sol ; les poissons exotiques gisaient, gelés, sur le tapis de sable de l’aquarium cassé. Les meubles disparaissaient presque sous la neige qui s’amoncelait devant les bibliothèques, les statues, les casiers à disques et à cassettes. Les oiseaux étaient morts dans leurs cages. Des aiguilles de glace pendaient aux feuilles des plantes vertes. Marius regarda les poissons emprisonnés dans la couche de boue glacée au fond de l’aquarium. Il considéra les algues géantes échouées au milieu des fragments de verre étincelants.

Ses blessures se cicatrisaient déjà. Les ecchymoses sur sa figure s’estompaient, ses traits reprenaient forme. Sa fracture à la jambe se ressoudait. Il se tenait presque droit maintenant. Fou de rage, il contempla une dernière fois le minuscule poisson bleu rayé d’or. Puis il scruta le ciel, le tourbillon blanc qui cachait les étoiles. Il se débarrassa du sang encore collé à son visage et à ses cheveux.

Des milliers de feuilles volaient dans la tempête – des pages de parchemins, de vieux livres. A présent, la neige tombait à légers flocons dans le salon dévasté. Marius s’empara du tisonnier de cuivre pour s’en faire une canne et observa derrière le mur écroulé les loups affamés qui hurlaient dans leur enclos. Ils n’avaient plus rien mangé depuis que lui, leur maître, avait été enseveli sous la glace. Ah, ce hurlement des loups ! J’entendis Santino parler à Marius, essayer de lui expliquer qu’ils devaient partir, qu’ils étaient attendus par une femme rousse dans une forêt de séquoias, une femme aussi ancienne que la Mère, et que le grand conseil ne pouvait commencer sans eux. Aussitôt la peur me saisit. Un conseil ? Marius comprit mais ne répondit pas. Il écoutait les loups. Les loups...

La neige et les loups. Mon esprit se mit à dériver. Je m’enfonçai dans mes rêves et mes souvenirs. Une bande de loups m’apparut qui courait sur la neige poudreuse.

J’étais un jeune homme et je me battais contre la troupe de loups qui était venue attaquer le village de mon père, deux cents ans plus tôt, au cœur de l’hiver. Je me vis, mortel, si près de la mort que j’en sentais l’odeur. Mais j’avais terrassé les loups, l’un après l’autre. Ah, quelle brutalité, quelle vigueur juvénile, la volupté effrénée d’une vie insouciante ! En apparence, du moins. Car à l’époque, l’expérience avait été terrible ! La vallée gelée, mon cheval et mes chiens égorgés. Mais en cet instant, je me rappelais seulement... non, je voyais la neige qui recouvrait les montagnes, mes montagnes, la terre de mon père.

J’ouvris les yeux. Elle avait relâché son étreinte et m’avait obligé à reculer d’un pas. Pour la première fois, je compris où nous étions. Pas au cœur d’une nuit imaginaire, mais dans un lieu bien réel, l’endroit même où j’avais grandi.

— Oui, murmura-t-elle. Regarde bien autour de toi.

Je reconnus aussitôt l’odeur hivernale et quand ma vue s’éclaircit, je distinguai les remparts effondrés et la tour.

— La maison de mon père, soufflai-je. Le château où je suis né.

L’immobilité. La neige qui scintillait sur les vieilles dalles. Nous étions à présent dans ce qui avait été la grande salle. Seigneur, la retrouver en ruine, savoir qu’elle était désertée depuis si longtemps. Les pierres paraissaient aussi moelleuses que la terre. Là s’était dressée la table, la longue table qui datait des Croisades. Ici la cheminée monumentale, ici la porte d’honneur.

La neige s’était arrêtée de tomber. Je levai les yeux et aperçus les étoiles. La haute tour ronde s’élançait, intacte, au-dessus des toitures défoncées, au-dessus du château semblable à une coquille éclatée. La demeure de mon père...

Elle s’éloigna de son pas aérien et se mit à lentement tournoyer sur le tapis de neige, la tête rejetée en arrière, comme si elle dansait.

Se mouvoir, toucher des objets, passer du royaume des rêves à celui de la réalité, toutes ces joies, elle me les avait décrites plus tôt. Le souffle coupé, je la contemplai. Ses vêtements étaient intemporels, une cape de soie noire, une tunique plissée qui voltigeait autour de son corps svelte. Des vêtements portés par les femmes de toute éternité. J’eus envie de la prendre dans mes bras, mais elle m’écarta d’un geste vif et doux. Que m’avait-elle dit ? « Imagine ce que j’ai ressenti, quand j’ai compris qu’il ne pouvait plus me retenir auprès de lui. Que j’étais debout devant le trône et qu’il ne manifestait pas la moindre réaction ! »

Elle sourit. La pâle lumière du ciel éclairait les contours ravissants de son visage, les hautes pommettes, la ligne délicate du menton. Elle avait l’air vivante, bien vivante.

Puis elle disparut !

— Akasha !

— Rejoins-moi, m’ordonna-t-elle.

Mais où était-elle ? Je la découvris à l’autre bout de la salle. Une silhouette frêle à l’entrée de la tour. Je pouvais à peine distinguer ses traits, mais je voyais derrière elle le rectangle noir que dessinait l’embrasure de la porte.

Je m’avançai vers elle.

— Non, dit-elle. Utilise le pouvoir que je t’ai donné. Allez.

Je restai planté là. Mon esprit, ma vue fonctionnaient. Je savais de quoi il s’agissait. Mais j’avais peur. J’ai toujours aimé foncer, sauter, jouer des tours. La vitesse surnaturelle qui stupéfie les mortels ne m’a jamais effrayé. Mais elle exigeait autre chose de moi. Que je quitte l’endroit où je me trouvais et me projette jusqu’à elle. Pour accomplir un tel acte, il fallait que je m’abandonne à sa volonté.

— C’est ça, abandonne-toi, murmura-t-elle. Viens.

Je me concentrai et la regardai, je regardai sa main opalescente qui se détachait sur le panneau de bois vermoulu. Puis je décidai de me lancer. Ce fut comme si j’étais pris dans le bruit et la fureur aveugle d’un ouragan. J’avais réussi ! Je frissonnais de partout. Ma figure me brûlait un peu, mais quelle importance ! Je plongeai mes yeux dans les siens et lui souris triomphalement.

Elle était belle, si belle. Une déesse à la longue chevelure tressée couleur d’ébène. Je l’enlaçai. Je baisai ses lèvres froides et les sentis céder imperceptiblement sous ma caresse.

Puis le sacrilège de cet acte m’apparut, comme lorsque je l’avais étreinte dans le mausolée. Je voulus me jeter à ses pieds, mais je ne pouvais détacher mon regard de sa gorge. La soif me torturait. J’étais fasciné à l’idée de boire son sang, alors qu’elle pouvait m’anéantir rien qu’en le souhaitant. Comme elle l’avait fait pour les autres. Mystérieusement, le danger m’électrisait. Je refermai mes doigts autour de son cou, et sa chair s’anima. Je l’embrassai longuement. La saveur du sang dans sa bouche me pénétra.

Elle se détourna et posa son index sur mes lèvres. Puis elle me prit par la main et m’entraîna dans la tour. La clarté des étoiles filtrait à travers le plancher effondré de la dernière salle, des dizaines de mètres au-dessus de nous.

— Tu vois ? dit-elle. La pièce du haut existe toujours. L’escalier est démoli. Elle est inaccessible. Sauf pour nous, mon prince.

Lentement, elle s’éleva dans les airs. Son regard rivé au mien, sa tunique ondoyant autour d’elle, sa cape comme agitée par la brise, elle poursuivit son ascension. Interdit, je l’observai. Elle franchit l’ouverture béante et atterrit sur le rebord du gouffre.

Une cinquantaine de mètres ! Il m’était impossible de faire ça...

Sa voix douce résonna dans le vide.

— Viens, mon prince. Fais comme l’autre fois. Lance-toi et ne regarde pas en bas, comme disent les mortels.

Un rire étouffé.

A supposer que j’accomplisse un cinquième du chemin – un fameux bond déjà, la hauteur d’un immeuble d’environ quatre étages –, c’était dans mes cordes, mais après... Rien que d’y penser, je fus pris de vertige. Inconcevable. J’étais complètement déboussolé. Comment avions-nous abouti ici ? La tête me tournait. Je distinguai sa silhouette, mais comme dans un rêve, et les voix recommençaient à m’envahir. Je ne voulais pas gâcher cet instant. Je voulais que le temps s’enchaîne en une série de moments cohérents. Je ne voulais pas perdre pied.

— Lestat ! murmura-t-elle. Dépêche-toi.

Le geste qu’elle ébaucha pour m’encourager était si plein de tendresse.

Je lui obéis. Je la fixai et décidai de me retrouver instantanément à ses côtés.

De nouveau, l’ouragan. Je levai les bras pour vaincre la résistance de l’air. Je ne crois pas que je vis la brèche avant de l’avoir traversée. Puis je fus debout sur la plate-forme, hébété, terrifié à l’idée de tomber.

Nous riions tous les deux, me sembla-t-il ; mais j’imagine que la folie me gagnait, car je pleurais, en réalité.

— Mais comment, comment ai-je fait ? demandai-je.

— Tu le sais très bien, dit-elle. Le fluide qui t’anime a beaucoup plus de force, maintenant. Avancer d’un pas ou s’élancer dans les airs n’est jamais qu’une question de degré.

— Et si j’essayais encore une fois.

Elle eut un petit rire.

— Regarde cette pièce. Tu t’en souviens ?

Je hochai la tête.

— C’était mon refuge dans ma jeunesse.

Je m’avançai pour examiner le mobilier entassé – les bancs et tabourets massifs qui avaient jadis orné notre château, des meubles médiévaux, si pesants, si solides qu’ils étaient pratiquement indestructibles, comme les arbres qui tombent dans la forêt et subsistent des siècles, ou les troncs couverts de mousse qui enjambent les rivières. Ainsi, ces objets n’avaient pas pourri, pas plus que les vieux coffres. Sous la poussière, j’aperçus de vagues taches de couleur : les tapisseries – mais elles étaient en lambeaux.

Ces meubles avaient dû être mis à l’abri dans cette salle durant la Révolution, avant que l’escalier ne s’effondre.

Je m’approchai d’une des meurtrières et contemplai notre domaine. Au loin, nichées au flanc de la montagne, clignotaient les lumières clairsemées d’un bourg. Une voiture descendait la route étroite. Le monde moderne si proche et si lointain ! Dans ce paysage, le château n’était plus que l’ombre de lui-même.

— Pourquoi m’as-tu amené ici ? l’interrogeai-je. Il m’est tellement pénible de revenir dans cette maison, aussi pénible que les visions que tu m’imposes.

— Vois, près des armures. Tu te rappelles les armes que tu as prises le jour où tu es parti tuer les loups ?

— Oui, je me rappelle.

— Observe-les bien, je t’en donnerai de nouvelles, d’infiniment plus puissantes pour tuer en mon nom.

— Tuer ?

Je jetai un coup d’œil sur les armures, ces fantômes d’une gloire passée, et sur les armes. Toutes étaient rouillées, ébréchées. Sauf le glaive, le plus beau, celui qui, dans ma famille, avait été transmis de génération en génération depuis l’époque de Saint Louis. Le glaive seigneurial dont je m’étais emparé ce matin lointain, moi, le septième fils, quand j’étais allé, tel un prince du Moyen Age, exterminer les loups.

— Mais qui devrai-je tuer ? questionnai-je.

Elle se rapprocha. Quelle douceur, quelle innocence sur son visage. Ses sourcils se froncèrent. Une minuscule ride verticale se dessina sur son front. Puis ses traits redevinrent lisses.

— J’aurais apprécié que tu m’obéisses sans discuter. Ensuite seulement mon dessein te serait apparu. Mais ce n’est pas dans ton tempérament.

— Non, avouai-je. Il y a longtemps que je ne suis plus capable d’obéir à qui que ce soit.

— Tu es bien téméraire, dit-elle avec un sourire.

D’un geste gracieux, elle ouvrit sa main droite, et tout à coup j’y vis l’épée. Un souffle d’air, rien de plus, comme si l’arme s’était déplacée d’elle-même. J’admirai le fourreau incrusté de pierreries, l’énorme poignée de bronze en forme de croix. Le baudrier était toujours là, le baudrier de cuir épais et de mailles d’acier que j’avais acheté un été.

C’était une arme redoutable, façonnée pour frapper d’estoc et de taille. Je me souvenais de son poids, de mon bras douloureux quand je m’étais battu contre les loups. Jadis, dans les combats, les chevaliers tenaient souvent à deux mains les glaives de cette taille.

Mais que connaissais-je alors de ces combats ? Je n’étais pas chevalier. J’avais seulement pourfendu des animaux. Et mon unique exploit de mortel, que m’avait-il apporté ? L’admiration d’un damné suceur de sang qui avait décidé de faire de moi son héritier.

Elle me tendit le glaive.

— Il n’est plus lourd maintenant, mon prince. Tu es immortel. Vraiment immortel. Mon sang coule dans tes veines. Et tu useras de tes armes nouvelles comme naguère tu as usé de cette épée.

Un frisson me parcourut au contact de la poignée. C’était comme si elle avait gardé la mémoire de ce dont elle avait été témoin. La vision de cette chasse me revint. L’affût dans l’obscurité de la forêt glacée.

Puis je me vis à Paris, un an plus tard, devenu, à cause de cette action d’éclat, un mort vivant, un monstre. « Le tueur de loups », m’avait surnommé le vampire. Il m’avait distingué du commun des mortels parce que j’avais taillé en pièces ces satanés loups ! Et que j’arborais fièrement leurs peaux dans les rues de la capitale.

Pourquoi ressentais-je encore une telle amertume ? Avais-je donc envie d’être mort et enterré, en bas, dans le cimetière du village ? Je regardai de nouveau par la fenêtre le flanc enneigé de la colline. La même histoire ne se répétait-elle pas aujourd’hui ? J’étais aimé pour ma prouesse durant mon insouciante jeunesse mortelle.

— Mais qui devrai-je tuer ? insistai-je.

Pas de réponse.

Je repensai à Bébé Jenks, cette pitoyable gamine, et à tous les buveurs de sang disparus. Dire que j’avais voulu fomenter une guerre contre eux, une guerre si dérisoire ! Et tous avaient été exterminés. Tous ceux qui avaient répondu à mon défi. Le phalanstère d’Istanbul m’apparut dévoré par les flammes. Cet ancien, aussi, qu’elle avait fait mourir à petit feu, celui qui l’avait bravée et maudite. Je me remis à pleurer.

— Oui, je t’ai privé de ton public, dit-elle. J’ai réduit en cendres l’arène où tu comptais briller. Je t’ai volé ta bataille ! Mais ne comprends-tu donc pas ? Ce que je t’offre est autrement plus précieux. Je t’offre le monde, mon prince.

— Comment cela ?

— Cesse de pleurnicher sur Bébé Jenks et sur toi-même. Songe aux mortels qui méritent tes larmes. Imagine ces malheureux qui ont souffert tout au long de ces siècles désolés, victimes de la famine, de la misère, de la violence. Victimes de l’injustice et des luttes incessantes. Comment peux-tu te lamenter sur une race de monstres qui a sacrifié, sans principe ni raison, tous les humains que le hasard mettait sur son chemin !

— Je sais. Je comprends...

— Tu en es sûr ? Ou te dérobes-tu pour mieux te consacrer à tes jeux allégoriques ? Le chanteur de rock symbole du démon. C’est une plaisanterie, mon prince, une plaisanterie.

— Pourquoi ne m’as-tu pas tué avec les autres ? répliquai-je, agressif et misérable.

Je saisis la poignée du glaive dans ma main droite. Le sang séché du loup adhérait peut-être toujours à la lame. Je la sortis du fourreau. Oui, le sang du loup.

— Je ne vaux pas mieux qu’eux. Pourquoi épargner quelques-uns d’entre nous ?

La peur m’arrêta. Une peur terrible pour Gabrielle, Louis et Armand. Pour Marius. Même pour Pandora et Mael. Pour moi aussi. Pas une créature sur cette terre qui ne se batte pour conserver la vie, même lorsque rien ne justifie ce réflexe. Je désirais vivre. Je l’avais toujours désiré.

— Je souhaite que tu m’aimes, murmura-t-elle tendrement. (Une voix si merveilleuse. Un peu comme celle d’Armand ; une voix qui vous caressait, vous envoûtait.) C’est pourquoi je suis patiente avec toi. (Elle posa ses mains sur mes bras et plongea son regard dans le mien :) Essaye de comprendre. Tu es mon instrument ! Et les autres aussi le seront s’ils ont un brin de bon sens. Ne saisis-tu donc pas ? Ta venue et mon réveil ne sont pas le fruit du hasard. Désormais, les espoirs millénaires vont enfin pouvoir être exaucés. Regarde ce bourg en bas, ton château en ruine. Ils seront le nouveau Bethléem, mon prince, mon rédempteur. Ensemble, nous réaliserons les rêves immémoriaux de l’humanité.

— Mais comment serait-ce possible ? demandai-je.

S’était-elle aperçue de ma frayeur ? Savait-elle que chacune de ses paroles augmentait mon effroi ? Bien évidemment.

— Tu es si fort, mon dauphin, me souffla-t-elle. Tu m’étais certainement prédestiné. Rien ne t’abat. Tu es brave en dépit de ta peur. Durant un siècle, je t’ai vu souffrir, dépérir et t’enfouir sous terre pour dormir, puis je t’ai vu resurgir, à l’image de ma propre résurrection.

Elle pencha la tête de côté, comme si elle écoutait des bruits au loin. Les voix. Je les percevais, moi aussi, peut-être parce qu’elle les entendait. La clameur m’assourdit, et je la repoussai, agacé.

— Si fort, se moqua-t-elle. Tu ne laisses pas les voix te submerger. Mais ne méprise pas ce pouvoir que tu as de les capter. Il est aussi important que les autres. Les voix t’implorent comme elles m’ont de tout temps implorée.

Je comprenais le sens de ses paroles. Mais que m’importaient ces lamentations ? Qu’y pouvais-je ? Il était insensé d’adresser des prières à un être tel que moi.

— Pendant des siècles, elles ont été mon unique réconfort, poursuivit-elle. Tout au long des heures, des semaines, des années, elles m’accompagnaient. Au début, elles semblaient tisser autour de moi un linceul dans lequel je m’enlisais. Puis j’ai appris à exercer mon oreille. A isoler une voix dans ce tumulte comme on choisit un fil dans une toile. Cette voix, je la suivais, et à travers elle, je connaissais les victoires et les défaites d’une âme.

Je l’observai en silence.

— Avec les années, j’ai acquis un pouvoir plus grand encore – celui de quitter mon corps et de m’introduire dans celui du mortel dont j’écoutais la voix, de voir à travers ses yeux. Je me glissais dans le corps de celui-ci ou de celle-là. Je marchais au grand jour ou dans le noir. Je souffrais, je subissais la faim, la douleur. Parfois je choisissais le corps d’un immortel, comme celui de Bébé Jenks, par exemple. Souvent, je me suis faufilé dans celui de Marius. L’égoïste, le vaniteux Marius, qui confond l’envie avec le respect, qui ne cesse de s’éblouir des inventions décadentes d’un siècle aussi narcissique que lui. Oh, ne fais pas cette tête. Je l’aimais. Je l’aime encore. Il a pris soin de moi. Mon gardien. (Un instant, l’amertume perça dans sa voix.) Mais la plupart du temps, je me coulais dans le corps des pauvres, des malheureux. C’était l’âpreté de la vie que je voulais connaître.

Elle se tut. Son front se rembrunit. J’avais vaguement expérimenté le pouvoir dont elle parlait. J’aurais tellement voulu la consoler, mais quand je lui tendis les bras, elle coupa d’un geste mon élan.

— J’oubliais qui j’étais, où j’étais. Je devenais la créature dont j’avais choisi la voix. Durant des années, parfois. Puis le cauchemar revenait, la conscience d’être cet objet figé, stérile, condamné pour toujours à demeurer assis sur un trône d’or ! T’imagines-tu l’horreur que c’est de découvrir soudain que tout ce que tu as vu, entendu, vécu, n’est qu’une illusion, une existence dérobée à un autre ? Je rentrais en moi-même. Je redevenais ce que tu as devant toi. Cette idole nantie d’un cœur et d’un cerveau.

Je hochai la tête. Des siècles plus tôt, lorsque j’avais pour la première fois posé mon regard sur elle, j’avais deviné une souffrance indicible sous son enveloppe marmoréenne. Et j’avais eu raison.

— Je savais qu’il te retenait dans ce mausolée, dis-je.

Je parlais d’Enkil. Enkil maintenant disparu, anéanti. Une idole brisée. Je me souvenais de ces minutes dans le mausolée où j’avais bu le sang de sa Reine et où il s’était levé pour revendiquer ses droits et m’avait presque laissé pour mort. Savait-il alors ce qu’il faisait ? Ou toute raison l’avait-elle déjà abandonné ? Elle se contenta de sourire tout en observant la nuit. La neige tombait à gros flocons tourbillonnants qui semblaient réfléchir à l’infini la lumière des étoiles.

— Tout était écrit, finit-elle par répondre. Ces interminables années passées à affermir mes pouvoirs. A me forger une puissance telle que personne... personne ne puisse m’égaler. (Une seconde, son assurance parut vaciller, mais elle se ressaisit :) Il n’était plus qu’une masse inerte, mon pauvre époux bien-aimé, mon compagnon de supplice. Son esprit avait cessé de fonctionner. Je ne l’ai pas détruit, pas vraiment. J’ai pris en moi ce qui restait de lui. Il m’est arrivé parfois d’être aussi vide que lui, aussi silencieuse, incapable même de rêver. Seulement lui était pétrifié à jamais. Plus aucune image ne pénétrait son cerveau. Il était désormais inutile. Sa mort a été celle d’un dieu, et elle m’a rendue plus forte. Tout était écrit, mon prince. Écrit du début jusqu’à la fin.

— Mais comment ? Par qui ?

— Par qui ? (Elle sourit encore une fois :) Tu ne comprends toujours pas ? Tu n’as plus à chercher qui est à l’origine de quoi. J’étais le livre, désormais je suis aussi la plume... Personne ni rien ne peut plus m’arrêter. (Son visage se durcit ; l’hésitation réapparut :) Les vieilles malédictions n’ont plus aucun sens. Dans mon isolement, je me suis élevée à une telle puissance que plus aucune force au monde ne peut m’atteindre. Même Ceux du Premier Sang en sont incapables bien qu’ils complotent contre moi. Il était écrit que ces millénaires devaient s’écouler avant que tu ne paraisses.

— Qu’ai-je donc modifié ?

Elle se rapprocha et m’enlaça. Son bras si dur me parut délicieusement doux. Nous n’étions plus que deux êtres blottis l’un contre l’autre, elle si incroyablement jolie, pure et détachée. Et j’eus encore soif de son sang. Soif de me pencher et d’embrasser sa gorge, de la posséder ainsi que j’avais possédé des milliers de mortelles, elle, la déesse au pouvoir incommensurable. Je sentis le désir monter, m’enfiévrer.

De nouveau, elle posa son doigt sur mes lèvres, comme pour calmer mon ardeur.

— Te rappelles-tu ton adolescence ici ? demanda-t-elle. Quand tu suppliais ta famille de t’envoyer au séminaire ? Te rappelles-tu ce que t’ont enseigné les moines ? Les prières, les cantiques, les heures de travail dans la bibliothèque, les heures de veille solitaire dans la chapelle ?

— Bien sûr que je me rappelle.

J’avais les larmes aux yeux. Je revoyais avec une telle précision la bibliothèque du monastère, les moines qui m’avaient formé et avaient cru en ma vocation. La petite cellule glaciale avec ses lits de planches. Le cloître et le jardin voilés d’une ombre rose. Seigneur, je ne voulais plus repenser à cette époque. Mais certains souvenirs sont gravés à jamais.

— Te rappelles-tu ce matin où tu es entré dans la chapelle, poursuivit-elle, où tu t’es agenouillé, les bras en croix, sur les dalles de marbre et où tu as dit au Seigneur que tu ferais n’importe quoi pourvu que la bonté te soit donnée ?

— Oui, la bonté...

Maintenant c’était ma voix qui était teintée d’amertume.

— Tu lui as dit que tu étais prêt à souffrir le martyre, à endurer les supplices les plus cruels s’il faisait de toi un être bon.

— Oui, je m’en souviens.

Les vieilles statues des saints se dressèrent devant mes yeux, les hymnes déchirants retentirent à mon oreille. Je me remémorai le jour où mes frères étaient venus me rechercher et où je m’étais traîné à leurs pieds pour qu’ils m’autorisent à rester.

— Et plus tard, quand, ta pureté envolée, tu as pris la grand-route pour Paris, tu allais quérir la même chose ; lorsque tu dansais et chantais dans ton théâtre de boulevard, tu désirais aussi être bon.

— Mais je l’étais, dis-je, hésitant. C’était bien de les rendre heureux.

— Oui, heureux, murmura-t-elle.

— Je n’ai jamais pu faire comprendre à Nicolas, mon ami, tu sais, combien il est important de... croire en l’idée de bonté, même si nous l’inventons de toutes pièces. Nous ne l’inventons pas vraiment. Elle existe, non ?

— Elle existe bel et bien. Elle existe par notre volonté.

Quelle tristesse ! Je ne pouvais plus parler. Je regardai tomber la neige. Je lui serrai la main et sentis ses lèvres effleurer ma joue.

— Tu m’étais destiné, mon prince, chuchota-t-elle. Les épreuves t’ont poli. Et cette nuit où tu as pénétré dans la chambre de ta mère et où tu l’as entraînée à ta suite dans le monde des morts vivants, cette nuit n’a été que la préfiguration de l’instant où tu m’as réveillée. Je suis ta mère véritable. La mère qui jamais ne t’abandonnera. Moi aussi, je suis morte et j’ai ressuscité. Toutes les religions du monde nous célèbrent, toi et moi, mon prince.

— Comment ça ? Que veux-tu dire ?

— Oh, mais tu le sais. Tu le sais !

Elle me prit le glaive des mains et caressa longuement le baudrier, puis elle les laissa tomber sur le monceau d’armes rouillées – les derniers vestiges de mon existence mortelle. Et comme si un vent les balayait, les dagues et les épées glissèrent lentement sur le sol recouvert de neige et disparurent.

— Renonce à tes illusions, dit-elle. A tes inhibitions. Elles ne valent pas mieux que ce tas de ferraille. Ensemble, nous créerons les mythes du monde réel.

Je me sentis transi, tout à la fois incrédule et troublé. Mais sa beauté triompha de mon désarroi.

Tu aspirais à devenir un saint quand tu t’es agenouillé dans cette chapelle, dit-elle. Désormais, tu seras un dieu à mes côtés.

Je voulus protester. J’avais peur. Un sombre pressentiment m’envahit. Que pouvaient bien signifier ces paroles ?

Mais soudain je fus dans ses bras, et nous nous élevions dans les airs à travers le toit effondré de la tour. Le vent était si violent qu’il me lacérait les paupières. Je me tournai vers elle, lui entourai la taille et enfouis ma tête contre son épaule.

J’entendis sa voix douce me souffler à l’oreille de dormir. La route serait longue avant que le soleil ne se couche sur le pays où nous allions, le lieu du premier châtiment.

Un châtiment ? Je sanglotais, agrippé à elle. Je pleurais parce que j’étais perdu et que je n’avais plus qu’elle à qui me raccrocher. Qu’allait-elle exiger de moi ? J’en étais terrifié.

 

La Reine des Damnés
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